Demjanjuk, criminel nazi face à la liste de 1 900 juifs morts en camp
Un des derniers grands criminels nazis pourrait bientôt être jugé en Allemagne. De nouvelles preuves de son implication dans la solution finale rendraient possible une nouvelle mise en accusation d'Ivan Demjanjuk.
Dans sa maison de l'Ohio aux Etats-Unis, sous haute protection, le vieil homme « souffrirait de problèmes de circulation sanguine », contre-indiqués en avion. Mais à 88 ans, Ivan Demjanjuk pourrait bientôt être bel et bien contraint de prendre un vol transatlantique. Les Etats-Unis veulent se débarrasser de lui et plusieurs pays souhaitent l'accueillir pour qu'il réponde enfin de ses crimes présumés.
Mécanicien aux Etats-Unis
En Allemagne, un rapport de 140 pages de la commission administrative d'enquête sur les crimes de guerre nazis le préconise. Elle vient de transmettre les conclusions de son enquête au parquet de Munich. Aux autorités judiciaires de Bavière de décider ou pas de l'inculpation de l'accusé, de transmettre une demande d'extradition aux Etats-Unis et surtout de vérifier leur compétence territoriale.
Un camp de réfugiés proche de Munich est le dernier endroit où Demjanjuk a séjourné en Europe. C'est là-bas qu'il avait rencontré sa femme, avant de s'envoler vers les Etats-Unis en 1952. Sa vie paisible de mécanicien qui se fait appeler John à Seven Hills près de Cleveland, allait durer jusqu'en 1975. Alors, le surnom d'Ivan le Terrible commence à circuler sur une liste de criminels nazis du Sénat américain. Le rapprochement est fait.
Israël enquête et obtient son extradition en 1986. Reconnu au procès par dix-huit témoins oculaires, Demjanjuk est condamné à la peine capitale par pendaison en 1986. La sentence ne sera pas appliquée, au « bénéfice du doute » jeté par des archives du KGB. Des documents déclassifiés établissent que le véritable bourreau du camp de Treblinka serait un dénommé Marchenko, porté disparu depuis la fin de la guerre. En 1993, la Cour Suprême de l'Etat hébreu libère donc le prisonnier. Par manque de preuves.
Sur une liste de
criminels de guerre
Ivan Nikolaïevitch Demjanjuk retourne vivre dans l'Ohio. Mais depuis, la pression s'est accentuée. Aux Etats-Unis, un nouveau procès a démontré qu'il avait bien exercé comme gardien dans plusieurs camps : sa nationalité américaine lui est supprimée en 2004. La justice retient notamment des témoignages selon lesquels Demjanjuk avait été vu à Sobibor (Pologne) poussant des juifs à coups de pied et de crosse de fusil, pour les faire descendre plus rapidement des wagons qui les convoyaient.
L'enquête diligentée en Allemagne s'est concentrée sur l'identification des victimes, grâce à de nouvelles recherches en Israël, aux Etats-Unis et en Allemagne. Une liste précise établit que 1 900 juifs allemands sont morts en 1943 au camp de Sobibor. Date à laquelle l'accusé aurait exercé comme gardien, autant dire tortionnaire ou bourreau dans un camp entièrement dédié à l'extermination des victimes. Le chiffre évoqué dans le dossier est celui de sa co-responsabilité dans l'assassinat de 29 000 Européens. « Nous sommes confiants sur les chances de le voir comparaître en Allemagne », a commenté Kurt Schrimm, le directeur de la commission administrative.
Une procédure parallèle est menée par l'Espagne depuis juillet dernier. Les Etats-Unis pourraient bientôt se retrouver confrontés à plusieurs choix pour l'expulsion de leur encombrant résident, entre l'Allemagne, l'Espagne ou l'Ukraine, son pays de naissance en 1920. Demjanjuk figure sur la liste des dix criminels de guerre les plus recherchés dans le monde.
Hélène Kohl
source: http://www.dna.fr/monde/20081118_DNA002374.html